En 1875, John Tyndhall (photo ci-contre), un célèbre médecin anglais, cherchait à déterminer si les bactéries se répartissaient de manière homogène dans l'atmosphère ou si au contraire elles s'agrégeaient. Il imagina donc de disposer à faible distance les unes des autres une centaine d'éprouvettes ouvertes contenant un bouillon de culture : si dans la totalité d'entre elles le bouillon devenait trouble à cause des bactéries, cela indiquerait une déssimination homogène dans l'air. Si en revanche quelques éprouvettes seulement étaient contaminées, il pourrait en déduire que les bactéries formaient des amas de matière (agrégats).
24 H plus tard, il constata que dans certaines éprouvettes le bouillon restait clair : aucune bactérie présente dans l'air n'y était donc tombée, et il en conclut que celles-ci n'étaient pas dispersées de manière uniforme dans l'atmosphère.
Tyndall observa également un phénomène important : à la surface du bouillon, dans certaines éprouvettes, flottait du Penicillium (que l'on sait aujourd'hui être précisément du Penicillium notatum), moisissure qu'il trouva d'une « beauté exquise ». Apparemment, les bactéries et la moisissure se livraient bataille, et « quand la moisissure était épaisse, la bactérie mourait et sombrait dans au fond de l'éprouvette ».
Thyndall s'est contenté de noter la beauté de cette moisissure sans doute parce qu'il ne pouvait pas évaluer la portée de sa découverte, puisque ce n'est qu'en 1882 que Robert Koch (photo ci-contre) prouva que les bactéries étaient responsables des maladies infectieuses. Si Tyndall l'avait su, il se serait détourné de son objectif initial de recherche et aurait communiqué ses observations à ses collègues médecins. Mais il se borna à quelques rapides commentaires sur les vertus de cette moisissure qui décrivaient la distribution des bactéries et autres particules dans l'atmosphère.
Louis Pasteur, lui, fit avec Jules François Joubert une longue communication à l'Académie des Sciences, au cours de laquelle ils démontrèrent l'antogonisme naturel de deux espèces bactériennes : le vibrion septique et la bactérie charbonneuse. Ou encore parce que c'est également lui qui fit le rapprochement entre certaines maladies et l'envahissement du corps par des micro-organismes et des bactéries.
En 1896, un étudiant en médecine français observera que les animaux auxquels on injectait simultanément du Penicillium glaucum et des bactéries virulentes résistaient beaucoup mieux à la maladie que ceux n'ayant reçu que les organismes pathogènes. Mais aussi Bartolomeo Gosio qui cristallisera un “antibiotique” à partir du Penicillium Glaucum, substance qui se révèlera trop toxique.
Puis l'année suivante Ernest Duschesne soutint une thèse de doctorat en médecine intitulée “Contributions à l'étude de la concurrence vitale chez les micro-organismes”. Ses expériences mirent alors en évidence un phénomène étonnant : “ Certaines moisissures (penicillium glaucum) inoculées à un animal en même temps que des cultures virulentes de quelques microbes pathogènes...sont capables d'atténuer...la virulence de ces cultures bactériennes”.
En 1925, Gratia, de l'université de Liège, publiera un court rapport faisant état d'une substance produite par du Penicillium et ayant la capacités de dissoudre les bacilles (bactéries en forme de bâtonnets) du charbon.
Pendant ce temps, les médecins restent quasiment impuissants face aux infections graves. En fait, la plupart du temps, ils en sont réduits à attendre que le système immunitaire du patient l'aide à surmonter l'infection, faute de quoi l'issue est fatale.
En effet, John Tyndal, Ernest Duchesne, Bartolomeo Gosio et les autres restent inconnus du grand public; ils n'eurent ni le génie de Pasteur ni la chance de Fleming.
La découverte de la pénicilline par Fleming est devenue “un classique” qui a souvent été racontée de différentes manières.
Cependant en juillet 1928, Fleming (bactériologiste à “l'Inoculation Department” dirigé par Sir Almroth Wright à l'hôpital St Marie de Londres) quitta son laboratoire pour quelques semaines de vacances. N'étant pas un maniaque de l'ordre, il laissa traîner par négligence une boîte de Pétri sur une paillasse alors qu'il effectuait précédemment des travaux de routine sur des cultures de staphylocoques. A son retour le 3 septembre, il remarqua alors que cette boîte s'était couverte de colonies d'un blanc verdâtre comme aurait pu le faire un fruit oublié. Non seulement une moisissure inhabituelle avait poussé, mais aussi, à cet endroit les colonies de staphylocoques avaient été éradiquées.
Comme il l'a dit lui-même, étant à la recherche de nouvelles substances, il fut frappé par ce phénomène et décida de poursuivre ses investigations. Cette moisissure fut donc mise en culture et le bouillon de culture filtré révéla, même dilué 500 à 800 fois, qu'il avait un très fort pouvoir inhibiteur sur les staphylocoques.
Parce que la moisissure en cause faisait partie du groupe penicillium, Fleming baptisa la substance inhibitrice “pénicilline”.
La plupart des espèces de penicillium n'avaient pas cet effet
et des études plus précises montrèrent que l'espèce qui avait contaminé ces cultures était le pénicillium notatum.
En fait, cette découverte fut la conjonction de plusieurs phénomènes, il s'avéra d'ailleurs qu'un collègue de Fleming,
La Touche (mycologue), travaillait à proximité de sa paillasse sur des souches de Penicillium Notatum qui contaminèrent ses cultures. Autre hasard, Fleming avait laissé ses boîtes à 37° et non à l'étuve, ce qui était plus favorable à la pousse des moisissures qu'à celle des staphylocoques.
Lors de leurs travaux, Wright (Chef de service de Fleming) et Fleming avaient mis au point différentes substances permettant de freiner la croissance des bactéries, mais la plupart de ces “antiseptiques” étaient dangereux. Ils tuaient les leucocytes plus vite que les bactéries.
Fleming testa alors sa nouvelle substance sur différentes bactéries découvrit qu'elle était efficace sur de nombreux germes (les cocci, les agents des suppurations et des pneumonies...), mais inefficace sur d'autres (les colis, les bacilles de la typhoïde, les germes de la tuberculose....). Enfin il démontra que la pénicilline contrairement aux autres substances testées antérieurement, n'affectait pas les globules blancs et n'était pas toxique pour les animaux sur lesquels elle était injectée. En cela la pénicilline était un vrai progrès, mais lorsqu'il l'essaya en clinique, il n'obtint toutefois que des succès modérés.
Trois ans après la découverte de Fleming, on chercha alors à obtenir une forme pure de pénicilline. Ce furent les biochimistes anglais Clutterbuck, Lovell, et Raistrick, qui s'y essayèrent en vain. Raistrick résuma ceci à Leningrad en 1935 en disant “La production de pénicilline à des fins thérapeutiques est vraisemblablement impossible”. Fleming baissa donc les bras. Pendant ce temps et compte tenu des difficultés rencontrées avec la pénicilline, les sulfamides restaient donc le recours aux infections.
Parallèlement, en 1938, Le Pr Howard Florey (photo ci-contre) et le Dr Ernst Boris Chain ( chimistes) qui s'étaient associés pour répertorier les substances naturelles présentant des propriétés antibactériennes, aboutirent aussi, à la pénicilline. C'est ainsi que peu à peu s'est constitué “l'Oxford Group” qui réussit à cristalliser la pénicilline. En mars 1940, Chain avait pu produire 100 mg de pénicilline qui, après de nombreux tests pharmaco-cliniques, s’avérèrent peu toxiques. Si certaines expériences faites sur des animaux semblèrent montrer que la pénicilline pouvait entraîner de la fièvre, on s’aperçut très vite, qu’heureusement, celle-ci n’était due qu’à la présence impromptue d’impuretés.
En août 1941, les premiers essais cliniques réalisés sur des personnes malades furent prometteurs, suffisamment pour intéresser les autorités américaines, et générer la fabrication d’une grande quantité du médicament, opportunité remarquable en cette période de guerre et de blessures.
Après 1945, la pénicilline fut progressivement utilisée dans les infections graves, puis ensuite également dans de moins graves. Elle permit de drématiser de nombreuses pathologies.
En cardiologie, elle transforma l’évolution des atteintes valvulaires et des endocardites. Grâce à la pénicilline et aux antibiotiques dérivés, la démarche thérapeutique actuelle est plutôt de type préventive. Prévention des rhumatismes articulaires, de leurs complications cardiaques à titre « d’assurance contre les rechutes ». Enfin, c’est aussi un traitement lors des épisodes d’endocardite infectieuse, qu’elle soit à hémoculture positive, voire même, abactériémique.
On le voit bien dans le cas de la découverte de la pénicilline, chacun a apporté sa compétence et son enthousiasme, et cette découverte fut un exemple de coopération. D’ailleurs, le prix Nobel de physiologie et de médecine de l’année 1945 fut partagé par Alexander Fleming l’écossais taciturne, Ernst Boris Chain l’allemand volubile et Sir Howard Walter Florey l’australien, pour leur contribution à la mise au point du traitement antibiotique par la pénicilline. Entre temps, en 1941, Alexander Fleming (photo ci-contre) avait été anobli.
On observe que les Staphylocoques ne peuvent pas se développer à proximité de Penicillium notatum : en d'autres termes, le Penicillium présente toute les caractéristiques d'un antibiotique.
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